Baromètre 2023 : Enquête sur le quotidien et les nouveaux enjeux des Notaires titulaires

Notariat
|
Entreprise
Publié le
6/6/2023
Équipe Lions
@equipelions

Au cours des sept dernières années, la scène notariale française a subi de nombreuses évolutions bouleversant l'écosystème historique jusque-là considéré par beaucoup comme immuable.

Nous avons mené une grande enquête auprès des notaires titulaires afin qu'ils nous livrent leur vision sur ce métier en pleine mutation et qu'ils nous dévoilent leur réalité quotidienne. Entre nouveaux défis et impressions contrastées.

Découvrez les résultats de cette enquête exclusive.

Méthodologie

L'enquête a été menée auprès d'un échantillon représentatif de notaires en exercice. Les participants ont été sélectionnés de manière à garantir une diversité de parcours, d'expériences et de profils au sein de la profession.

L'ensemble des témoignages a été recueilli par une diplômée notaire, à l'issue d'entretiens téléphoniques individuels d'une durée moyenne de 45 minutes.

Les données ont été collectées à l'aide d'un questionnaire semi-structuré comportant des questions ouvertes et prédéterminées. Elles ont été retranscrites instantanément au cours des entretiens grâce à un procédé de saisie dactylographique.

Les notaires interrogés
Le profil des répondants

  • Segmentation démographique :
    Tranche d'âge : entre 31 et 56 ans
    Âge moyen : 42 ans
    Ratio homme/femme : 55%/45%
  • Répartition géographique :
    Région métropolitaine (hors IDF) : 74%
    Ile-de-France : 21%
    Outre-mer : 5%
  • Ancienneté d'exercice (au sein de leur étude actuelle) :
    Plus de 10 ans : 31%
    Entre 10 et 5 ans : 31%
    Entre 5 et 3 ans : 16%
    Moins de 3 ans : 21%
La typologie de leurs études

  • Nombre de collaborateurs :
    1 à 10 : 29%
    11 à 30 : 45%
    Plus de 30 : 24%
  • Date de création de l'étude :
    Il y a plus de 20 ans : 64%
    Entre 20 et 5 ans : 28%
    Il y a moins de 5 ans : 8%
  • Structure d'exercice :
    Études individuelles : 16%
    Sociétés pluripersonnelles (au moins 2 associés) : 84%
    Exercice au sein d'un multi-office : 28%
Client heureux = Notaire heureux

Le ressenti des notaires interrogés sur l'exercice de leur profession est plutôt positif, puisque 84% d'entre eux se déclarent globalement satisfaits.

Ce qui les anime avant tout, c'est la relation qu'ils entretiennent avec leurs clients : "moi j'aime les gens, j'adore les voir contents et trouver les solutions qui leur conviennent sur mesure."

Cette reconnaissance client est plébiscitée par plus de 8 notaires interrogés sur dix, étant ainsi érigée comme un “critère d'utilité” indissociable de la fonction de notaire.

Toutefois, force est de constater qu'avec l'essor des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication), les clients sont devenus “de plus en plus exigeants et impatients”, ce qui constitue aujourd'hui la principale cause de frustration des notaires participants à l'enquête, ces derniers soulignant l'incompatibilité entre immédiateté et complexité juridique des dossiers à traiter : "Les gens perdent de vue la technicité de notre métier. Car tout ça est couplé avec une complexité juridique qui ne va pas avec l'urgence. Ce n'est pas compatible.”, "Avant on avait des délais de traitement de dossiers plus longs, aujourd'hui les clients veulent que les dossiers sortent le plus vite possible, c'est toujours l'urgence.”

Ainsi, si 45% des notaires sondés estiment que l'exercice de leur profession est aujourd'hui plus difficile que lorsqu'ils se sont installés, cela est principalement dû à cette exigence de l'instantanéité faisant de la tant convoitée reconnaissance client, un idéal de plus en plus difficilement atteignable.

La course au temps, un défi quotidien

Ce n'est pas un hasard si près d'un notaire sur trois interrogé déplore un cruel manque de temps pour accomplir toutes les missions qui lui sont confiées, car ces dernières sont nombreuses et chronophages.

Voici la journée type d'un notaire titulaire, telle qu'elle ressort des réponses de l'enquête :

  1. 47% du temps dédié à la relation client, mais seulement 27% de temps disponible pour recevoir les rendez-vous, le reste du temps étant consacré à répondre aux mails et au téléphone !
  1. 24% du temps dédié à la gestion des dossiers (aide apportée aux collaborateurs, recherches juridiques, interrogations REAL…)
  1. 17% du temps dédié à la gestion interne de l'étude (RH, comptabilité, gestion administrative, décisions sociales)
  1. Et seulement 12% du temps dédié à la rédaction d'actes à proprement parlé, sachant que 60% des notaires sondés ont totalement délégué la rédaction d'actes à leurs collaborateurs.

Quid de la veille juridique ? Malheureusement, beaucoup la négligent par manque de temps. "Je lis les titres des revues juridiques quand j'ai le temps.”, “Malheureusement je n'ai pas le temps de me mettre à jour juridiquement, ou très peu de temps".

Quant à l'équilibre vie professionnelle/vie privée, nombreux sont ceux qui ont préféré répondre à la question sur le ton de l'humour : "Forcément, si vous me demandez si ça déborde un peu, beaucoup, passionnément…, je vous réponds à la folie.", "ma vie privée ? ça ne m'évoque aucun souvenir ?(rire) je n'en ai plus".

Le constat est sans appel : 84% des notaires sondés estiment que leur travail empiète sur leur vie personnelle.

Un phénomène d'autant plus accentué pour les notaires venant de s'associer ou de s'installer récemment.

La consécration du statut de notaire entrepreneur

Le notaire, qu'il exerce à titre individuel ou sous forme sociétale, est un chef d'entreprise à part entière. Ces dernières années, on constate une réelle prise de conscience de toute l'importance et des conséquences de cette double casquette.

La dimension entrepreneuriale stricto sensu est ainsi considérée par 15% des notaires interrogés comme un des enjeux majeurs auquel ils doivent répondre "On a découvert qu'une étude était une véritable entreprise, ça a révolutionné la façon de voir une étude et c'est positif.”

Toutefois, comme évoqué précédemment, le temps consacré à la gestion de l'étude en tant qu'entité reste encore assez faible en moyenne (seulement 17%).

Par ailleurs, les problématiques du notaire entrepreneur sont diverses et nombreuses, laissant ce dernier parfois démuni devant l'ampleur de ce rôle pour lequel il n'a reçu aucune formation initiale "Il y a des vraies questions d'entrepreneur pour lesquelles je ne me sens pas à l'aise car c'est des questions d'entrepreneur et moi je ne suis que juriste.”

D'autant que ce statut entrepreneurial ne se limite pas seulement à établir "une visibilité sur le long terme, en terme de business”, mais implique également de gérer d'autres enjeux à plus ou moins court terme, dont un primordial : la gestion des ressources humaines.

Les ressources humaines, un enjeu primordial

S'agissant de leurs enjeux actuels, près des trois quarts des notaires interrogés invoquent la gestion de leurs ressources humaines comme constituant leur préoccupation majeure.

En termes de recrutement, certains témoignent de leur difficulté à "trouver des personnes compétentes”, quand d'autres invoquent une pénurie de collaborateurs post Loi Macron. "Parfois on a des candidats dans notre bureau et pourtant on a l'impression que c'est nous qui passons un entretien d'embauche, il y a une surenchère, une concurrence entre les études, des meilleures conditions de vie au travail".

En termes de gestion du personnel, les nouvelles normes de qualité de vie au travail entrent également dans la sphère notariale, nécessitant de s'adapter pour fidéliser les collaborateurs "il faut s'adapter en permanence. On a élaboré des grilles de primes pour les collaborateurs“, "on a dû adapter les conditions et les modes de travail, en mettant notamment en place des horaires aménagés”, "beaucoup veulent du télétravail du moins partiel".

Cela fait écho à notre grande enquête menée auprès de 1500 collaborateurs du notariat aux termes de laquelle l'allègement de la charge de travail, les horaires flexibles et le télétravail figuraient parmi les 5 éléments clés du bien-être au travail.

Leur étude actuelle comme point d’ancrage

Il semblerait que les notaires titulaires interrogés soient fidèles, puisque 73% d’entre eux déclarent vouloir rester dans leur étude actuelle.

La plupart (47%) aspirent à la faire passer à l’étape supérieure (nouvelle association, création d'un multi-office ou encore développement d'un axe multiprofessionnel au travers des SPE) :

  • “J’espère réussir à bien développer ma clientèle dans quelques années (objectif à court terme), et je suis issue d’une lignée de chefs d’entreprise donc j’aimerais développer la société et l’emmener vers un multi-office”,
  • “Le but est d’essayer de nous agrandir, d’avoir de nouveaux associés tout en conservant l’ADN de l’Office”.

Les autres misent plutôt sur un fonctionnement optimisé de leur structure actuelle :

  • "J’aimerais (…) être rassuré sur l’avenir financier de notre entreprise, avoir une visibilité lointaine et me dégager ensuite du temps pour me former à nouveau (en droit commercial)”
  • ”On souhaite développer notre clientèle, sans devenir une grosse structure, car plus on est nombreux, plus c’est compliqué notamment au niveau de la communication.”

Quant aux 27% des répondants aspirant à se retirer de leur étude, seulement 5% envisagent une reconversion : "Peut-être conseil en gestion de patrimoine ou des cours, une activité plus encadrée en terme d’agenda."

Se spécialiser, la clé pour se différencier

En 10 ans, le nombre d’études a bondi de près de 50%. Aujourd’hui, on dénombre 6 772 offices notariaux répartis sur la France entière.

Pour tirer leur épingle du jeu et se démarquer, les notaires interrogés ont plusieurs cordes à leur arc, mais la plupart (21%) misent sur la spécialisation dans un ou plusieurs domaines juridiques précis, voire sur l’archisectorisation pour faire la différence.

  • On est très très sectorisés.”
  • "Notre groupe est archi sectorisé (...) plus on est spécialisé, meilleur on est dans la matière que l’on exerce."

D’autres axes de différenciation ont également été mis en avant par les participants, tels que :

  • L’ambiance familiale : "La bonne ambiance, l’entente entre tout le monde. Les gens quand ils rentrent, nous disent : dites donc ça a l’air sympa chez vous, tout le monde sourit et rit."
  • La taille humaine : “On est une étude à taille humaine où les notaires sont disponibles.”
  • La proximité avec le client : "La proximité avec le client, le fait de vouloir bien faire, d’être au plus proche du client."

Le fonctionnement d’une étude idéale

Curieux de connaître leur vision sur l’Etude parfaite, nous avons demandé aux notaires participants de recourir à leur imaginaire pour nous dresser le tableau de leur étude idéale.

42% d’entre eux considèrent que la communication et la synergie entre les différents acteurs de l’Etude sont la clé d’un fonctionnement optimal :

  • Le fonctionnement idéal serait qu’il n’y ait aucun “couac”, que tout le monde soit connecté les uns aux autres, avec une vision globale des dossiers, une vue d’ensemble."
  • "Le fonctionnement idéal c’est que chacun donne le meilleur, chacun a son rôle, ne déborde pas sur le rôle de l’autre, une bonne communication entre chaque poste, ce qui est important c’est que chacun sache ce qu’il doit faire, et que lorsque quelqu’un est débordé les autres lui viennent en aide."

Pour près de 20% des notaires interrogés, le secret d’une étude qui fonctionne à merveille, ce sont des collaborateurs motivés et impliqués :

  • "Il faut plein de collaborateurs et des collaborateurs de confiance."
  • "Le fonctionnement idéal pour une structure familiale comme la nôtre c’est du participatif, ce qui motiverait les collaborateurs."
  • “J’aimerais que les collaborateurs fassent preuve d’initiative, surtout qu’ils se mettent à la place de nos clients.”

Enfin, 18% des notaires interrogés estiment que la relation client est le point d’orgue d’une étude idéale :

  • Retrouver un vrai rôle de notaire et abandonner ce rôle de couteau suisse qui gère tout."
  • “S’il y avait des axes d’amélioration ce serait (…) que je puisse plus déléguer pour me consacrer à la “chasse” et la réception de clientèle.”

Et le paysage notarial de demain ?

Selon certains notaires interrogés, les moyennes structures notariales ne seraient plus viables sur le long terme, en raison du mauvais ratio coût de fonctionnement/masse salariale/Chiffre d’affaire dégagé.

Il semblerait qu'en région, on encourage davantage le retour aux petites structures ayant le caractère d'Etudes familiales  :

  • “Le format idéal selon moi c’est un notaire, deux collaborateurs, avec un service formalité et comptabilité à temps plein et une standardiste à temps plein."
  • “Personnellement je milite pour les petites études où tout le monde communique directement et où les clients peuvent passer à l’improviste et être renseignés directement.”

Alors qu'en Ile-de-France et dans les autres grandes agglomérations, la tendance s'orienterait plutôt vers un accroissement des multi-offices ou des sociétés pluriprofessionnelles d'exercice (SPE) : "Soit une très grosse étude qui permet de faire monter en compétence des pôles entiers."

Spéculation ou prédiction ? Seul l’avenir nous le dira…

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